Adaptation des bactéries à leur milieu / environnement

Born to move !

Fun fact : Les bactéries sont capables de communiquer entre-elles à l’aide de signaux électriques.

Personne contact : Catherine Guynet, chargée de recherche : catherine.guynet@univ-tlse3.fr

Photo originale

En haut à gauche : image de microscopie électronique représentant des séquences d’insertion (petits morceaux d’ADN qui codent pour une transposase, une enzyme qui permet leur propre mobilité) sous forme de huit et de cercles qui sont des intermédiaires de transposition.
En bas : les deux photos montrent des grossissements de la première.
En haut à droite : gel d’agarose de fragments d’ADN.

Crédits photos : ©Patrice Polard et ©David Villa

Escherichia coli

Famille : Enterobacteriaceae

Forme : bâtonnet

Type : Gram négatif

Découverte : en 1885, par Theodor Escherich

Adresse : tube digestif

Spécificité : bactérie commensale dont la plupart des souches sont inoffensives, celles produisant des shigatoxines sont pathogènes.

Pathologies : gastroentérite, infection urinaire, méningite ou sepsis

Explications

Les bactéries sont les êtres vivants les plus anciens. Elles sont présentes et indispensables dans tous les écosystèmes de la planète. La clé de ce succès incroyable est en partie liée à leur remarquable capacité d’évoluer, c’est-à-dire de se modifier et de s’adapter très rapidement en fonction de leur environnement. Le brassage des gènes ou comment s’adapter à son environnement L’évolution des êtres vivants se produit par des modifications de leur génome, soit par mutations aléatoires de l’ADN, soit par brassage des gènes. Chez l’humain, la reproduction sexuée assure le mélange des informations génétiques des deux parents pour donner naissance à des enfants tous différents. Au contraire, une bactérie se reproduit par simple division binaire avec partage équivalent de l’information génétique entre les deux bactéries filles (voir informations sur la division cellulaire du panneau « Interstell’Art »), qui sont identiques entre elles et à la bactérie mère. Les bactéries brassent leurs gènes d’une toute autre manière, en s’échangeant et combinant directement de l’ADN entre elles. C’est ce que l’on appelle le « transfert horizontal de gènes », qui est à l’origine de l’extraordinaire diversité et adaptabilité du monde bactérien. Un exemple de transfert de gènes est l’acquisition de gènes de virulence par la bactérie Escherichia coli, qui passe alors d’un état bénéfique de la flore intestinale humaine à un état pathogène provoquant des diarrhées ou des infections urinaires. Un autre exemple frappant est l’émergence de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques. L’utilisation intensive des antibiotiques depuis les années 1940 a permis de prévenir et guérir de nombreuses maladies bactériennes mais a également entraîné l’apparition de bactéries résistantes à toutes les principales classes d’antibiotiques, compromettant leur potentiel thérapeutique. Ce phénomène constitue une menace mondiale croissante pour la santé humaine et animale, avec des effets sur la sécurité alimentaire et l’environnement.

S’échanger du matériel génétique : le transfert horizontal de gènes !
Le transfert horizontal de gènes est possible grâce à différents mécanismes, selon la façon dont l’ADN est transféré. Il peut être capturé par les bactéries lorsqu’il se trouve dans le milieu extérieur (la transformation – voir panneau « Quand les bactéries se transforment … »), transmis par les virus bactériens appelés bactériophages (la transduction – voir panneau « Un Alien qui vous veut aussi du bien »), ou encore injecté par une bactérie dans une autre à l’aide d’une « seringue moléculaire » (la conjugaison).

Schéma des différents modes de transfert horizontal de gènes chez les bactéries. L’étoile rouge représente l’exemple d’un gène de résistance à un antibiotique qui se propage dans une population bactérienne. Il est échangé par conjugaison entre deux bactéries différentes, puis transmis aux cellules filles. ©Catherine Guynet

Le sexe selon les bactéries : la conjugaison bactérienne
La conjugaison bactérienne correspond au transfert d’une molécule d’ADN appelée plasmide d’une bactérie donatrice ayant établi un contact avec une bactérie réceptrice. Le plasmide porte tous les gènes qui codent deux véritables petites machines moléculaires très sophistiquées nécessaires à son transfert : le relaxosome et le pilus de conjugaison, appelé aussi système de sécrétion de type 4. Le relaxosome prépare l’ADN à son transfert grâce à des protéines spécialisées capables de couper un des deux brins d’ADN et le conduire dans la bactérie réceptrice à travers le pilus. Celui-ci est composé de nombreuses protéines différentes qui s’assemblent au niveau de la membrane de la bactérie donatrice pour former une sorte de seringue.
Les plasmides conjugatifs sont des molécules d’ADN extra-chromosomiques qui se répliquent de façon autonome à côté du chromosome bactérien. Ils font partie du « mobilome », qui contient l’ensemble des « éléments génétiques mobiles » du génome des bactéries (EGMs). Le mobilome comprend aussi des petits « gènes sauteurs », les transposons et les intégrons, qui sont capables de se déplacer au sein du chromosome, mais aussi entre le chromosome et les plasmides. Les plasmides se comportent donc comme des cargos naturels d’EGMs, qui sont capables de disséminer les gènes à travers différentes espèces, genres, ordres et même phyla bactériens grâce à la conjugaison. Comme les EGMs portent la majorité des déterminants de résistance aux antibiotiques, les plasmides sont largement responsables de l’émergence de bactéries multirésistantes. De nombreuses études ont démontré leur impact considérable sur la dissémination des gènes de résistance aux antibiotiques, en particulier chez les pathogènes humains bien étudiés.

Etude des plasmides au laboratoire
Au laboratoire, nous étudions la dynamique des plasmides, afin de mieux comprendre quand, où et comment ils se propagent et comment tout cela est régulé. Grâce aux techniques de marquage fluorescent des protéines dans des bactéries vivantes et aux dernières générations de microscopes, nous pouvons visualiser les étapes de la conjugaison en temps réel, ce qui est crucial pour leur compréhension. Ces connaissances pourraient contribuer à mieux contrôler la dissémination des gènes de résistance aux antibiotiques ainsi qu’à la mise au point de traitements antimicrobiens alternatifs aux antibiotiques. En effet, plusieurs travaux récents ont montré que la conjugaison pourrait être un outil prometteur pour délivrer des agents antibactériens et éliminer directement et spécifiquement des bactéries pathogènes cibles dans une population bactérienne.

Ces images obtenues en microscopie de fluorescence montrent la propagation d’un plasmide dans une population de bactéries Escherichia coli. La bactérie donatrice est marquée en rouge, et le plasmide apparait dans les bactéries réceptrices en bleu. ©Catherine Guynet